En France, environ 12 millions de personnes vivent avec un handicap ( source: INSEE ). L’accès à la propriété, synonyme d’autonomie et de stabilité, représente un défi majeur pour nombre d’entre elles. Moins d’un tiers des personnes handicapées sont propriétaires de leur logement ( source: APF France handicap ), ce qui met en lumière les obstacles persistants. Obtenir un crédit immobilier peut s’avérer complexe en raison de la perception du risque par les banques et les assureurs.

Nous examinerons les assurances emprunteur, les soutiens spécifiques, les solutions alternatives au prêt classique, et vous donnerons des conseils pratiques pour faciliter vos démarches. Notre objectif est de vous fournir toutes les informations nécessaires pour comprendre vos droits et les options disponibles afin de concrétiser votre projet immobilier avec sérénité.

Comprendre le risque : invalidité et prêt immobilier

Avant d’examiner les solutions, il est essentiel de bien cerner les risques associés à l’invalidité et ses répercussions sur le remboursement d’un crédit immobilier. L’invalidité, qu’elle résulte d’un accident, d’une pathologie ou d’un handicap, peut avoir des conséquences financières importantes et compromettre votre capacité à honorer vos engagements financiers.

Définir l’invalidité

L’invalidité est définie comme une diminution, médicalement constatée, de la capacité de travail ou de gain d’un individu, découlant d’un accident ou d’une maladie non professionnelle. Il est crucial de distinguer les définitions légales et contractuelles. La Sécurité sociale établit trois catégories d’invalidité, allant de l’aptitude à exercer une activité professionnelle à une incapacité totale et définitive nécessitant l’assistance d’une tierce personne. Les contrats d’assurance de prêt utilisent des définitions semblables, mais peuvent inclure des critères spécifiques. Il est donc primordial de bien comprendre les termes de votre contrat d’assurance pour appréhender précisément les conditions de prise en charge en cas d’invalidité.

  • Invalidité de 1ère catégorie : L’assuré conserve la capacité d’exercer une activité professionnelle.
  • Invalidité de 2ème catégorie : L’assuré est dans l’incapacité d’exercer une activité professionnelle.
  • Invalidité de 3ème catégorie : L’assuré est dans l’incapacité d’exercer une activité professionnelle et requiert l’aide d’une tierce personne.

Les conséquences de l’invalidité sur le remboursement du prêt

L’invalidité peut causer une diminution considérable des revenus, rendant difficile le règlement des mensualités du crédit immobilier. Cette situation peut entraîner des difficultés financières, voire un risque de saisie immobilière. Il est donc primordial de se protéger contre ce risque en souscrivant une assurance de prêt adaptée et en explorant les divers soutiens financiers disponibles. L’incidence sur le patrimoine familial peut être considérable, il est donc indispensable de prendre des mesures préventives pour préserver sa famille en cas d’invalidité.

Idées reçues sur le prêt immobilier et le handicap

De nombreuses idées fausses circulent sur l’accès au crédit immobilier pour les personnes en situation de handicap. Il est important de les déconstruire pour encourager les personnes concernées à ne pas renoncer à leur projet immobilier. Contrairement aux idées reçues, l’accès au crédit immobilier est envisageable, même si cela demande une préparation plus rigoureuse et une connaissance approfondie des dispositifs de protection existants.

  • « Les personnes handicapées ne peuvent pas obtenir de prêt immobilier. » (FAUX)
  • « L’assurance emprunteur est systématiquement refusée aux personnes handicapées. » (FAUX, mais plus complexe)
  • « Les assurances sont toutes les mêmes. » (FAUX)

Prenons l’exemple de Marie, 45 ans, atteinte de sclérose en plaques. Après avoir essuyé plusieurs refus de prêt, elle a finalement obtenu un financement grâce à la convention AERAS et à l’accompagnement d’un courtier spécialisé. Son histoire illustre la possibilité d’accéder à la propriété, même avec un handicap, en s’informant et en se faisant aider.

Les assurances emprunteur : une protection essentielle

L’assurance de prêt est une couverture primordiale pour sécuriser votre crédit immobilier en cas d’invalidité. Elle permet de prendre en charge le remboursement du prêt en cas de survenue d’un événement garanti, tel que le décès, l’invalidité ou l’incapacité de travail. Les banques l’exigent souvent pour octroyer un prêt immobilier, afin de se prémunir contre le risque de non-remboursement.

Le rôle de l’assurance emprunteur

L’assurance emprunteur propose différentes garanties, dont les garanties obligatoires (décès, PTIA – Perte Totale et Irréversible d’Autonomie) et les garanties optionnelles (ITT – Incapacité Temporaire Totale de travail, IPT – Invalidité Permanente Totale, IPP – Invalidité Permanente Partielle). En cas d’invalidité, ce sont les garanties IPT et IPP qui sont activées. L’assurance prend alors en charge une partie ou la totalité des mensualités du prêt, selon le degré d’invalidité et les clauses du contrat. Il est primordial de bien comprendre les conditions d’activation de ces garanties, notamment les taux d’invalidité couverts et les exclusions de garantie.

Les spécificités pour les personnes handicapées

L’obtention d’une assurance emprunteur peut être plus ardue pour les personnes en situation de handicap en raison du questionnaire de santé et de la perception du risque par les assureurs. Toutefois, des dispositifs spécifiques existent pour simplifier cet accès, en particulier la convention AERAS (S’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé). Grâce à cette convention, près de 80% des demandes d’assurance aboutissent pour les personnes concernées ( source: AERAS ).

La convention AERAS

La convention AERAS vise à faciliter l’accès à l’assurance de prêt pour les personnes présentant un risque aggravé de santé, dont les personnes handicapées. Elle permet de mutualiser les risques et de limiter les surprimes d’assurance. Pour bénéficier de la convention AERAS, il est nécessaire de remplir un questionnaire médical et de le soumettre à l’assureur. Le dossier est ensuite examiné à divers niveaux, en fonction du risque présenté. En cas de refus, des recours sont possibles.

Étape Description
Questionnaire médical L’emprunteur complète un questionnaire médical détaillé.
Examen du dossier (1er niveau) L’assureur examine le dossier et peut donner une réponse favorable ou défavorable.
Examen du dossier (2ème niveau – mutualisation) Si le 1er niveau est défavorable, le dossier est examiné par un pool d’assureurs.
Décision L’assureur prend une décision : acceptation, refus ou proposition avec surprime (plafonnée).
Recours En cas de refus persistant, l’emprunteur peut saisir la commission de médiation AERAS.

Les exclusions de garantie

Les contrats d’assurance de prêt peuvent comprendre des exclusions de garantie liées à l’état de santé existant. Il est essentiel de bien comprendre ces exclusions avant de signer le contrat. Il est parfois possible de négocier ces exclusions, notamment en fournissant des informations complémentaires sur votre état de santé ou en faisant jouer la concurrence entre les assureurs. Solliciter un second avis médical peut également être utile pour contester une exclusion jugée abusive.

Le coût de l’assurance

Le coût de l’assurance emprunteur peut être majoré pour les personnes handicapées en raison de la surprime appliquée par les assureurs. Cette surprime peut avoir une incidence non négligeable sur le coût total du prêt. Il est donc essentiel de comparer les offres d’assurance et de négocier le taux d’assurance. La délégation d’assurance, qui consiste à opter pour une assurance autre que celle proposée par la banque, peut permettre de réaliser des économies considérables. Les banques ne peuvent refuser la délégation d’assurance si les garanties proposées sont au moins équivalentes à celles de leur propre contrat.

Comment sélectionner son assurance emprunteur ?

Choisir son assurance de prêt est une étape déterminante. Il est impératif d’examiner les garanties proposées, en vérifiant notamment la couverture des différentes catégories d’invalidité et la prise en charge des affections psychologiques. Vous devez également comparer les tarifs et les exclusions. L’intervention d’un courtier spécialisé peut être profitable pour obtenir des conseils personnalisés et identifier l’offre la plus adaptée à votre situation. Posez les questions suivantes à votre assureur :

  • Quelles sont les conditions de mise en œuvre des garanties IPT et IPP ?
  • Quels sont les taux d’invalidité couverts par les garanties ?
  • Quelles sont les exclusions de garantie liées à mon état de santé ?
  • Quel est le montant de la surprime appliquée à mon contrat ?
  • L’établissement propose-t-il des services d’assistance aux personnes handicapées ?

Les soutiens et dispositifs spécifiques

Outre l’assurance de prêt, des soutiens financiers et des dispositifs d’aide spécifiques sont disponibles pour les personnes handicapées qui souhaitent devenir propriétaires. Ces aides peuvent vous donner les moyens de financer votre projet immobilier et de faciliter vos démarches. Les MDPH (Maisons Départementales des Personnes Handicapées) sont des acteurs clés. Par ailleurs, L’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) peut, sous certaines conditions, être prise en compte pour le calcul de votre capacité d’emprunt. Son montant moyen est de 956,65€ en 2023 ( source : Service-Public.fr ). Les aides locales, proposées par les régions et départements, peuvent aider à financer l’adaptation du logement ou l’assurance. Le Prêt à Taux Zéro (PTZ) est également une option intéressante pour les primo-accédants respectant certaines conditions de ressources.

Les aides financières

Diverses allocations financières sont à votre disposition : l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH), les aides locales (département, région), le prêt à taux zéro (PTZ) et les prêts aidés (Action Logement, etc.).

Région Type d’aide Description Plafond (exemple)
Île-de-France Aide à l’adaptation du logement Subvention pour financer les travaux d’adaptation du logement aux besoins des personnes handicapées. Jusqu’à 10 000 €
Auvergne-Rhône-Alpes Aide au paiement de l’assurance emprunteur Prise en charge d’une partie des cotisations d’assurance emprunteur pour les personnes présentant un risque aggravé de santé. Jusqu’à 50% des cotisations

Les dispositifs d’accompagnement

Les MDPH jouent un rôle essentiel d’information, d’orientation et de soutien. Elles peuvent vous aider dans vos démarches et vous accompagner dans la constitution de votre dossier de demande de prêt. Les associations de personnes handicapées peuvent aussi vous prodiguer des conseils, de l’entraide et vous défendre en cas de discrimination.

  • Les MDPH : Un interlocuteur précieux pour vous guider dans vos formalités administratives.
  • Les associations : Un soutien moral et une aide concrète.
  • Les professionnels : Des experts pour vous conseiller et vous aider à optimiser vos chances d’obtenir un financement.

L’ADIL (Agence Départementale d’Information sur le Logement) peut aussi vous apporter un conseil juridique et financier neutre et gratuit. N’hésitez pas à les solliciter ( source: ANIL ) !

Solutions alternatives au prêt immobilier classique

Si l’obtention d’un prêt immobilier classique s’avère trop difficile, d’autres options sont à considérer. L’investissement locatif, le viager, la colocation et l’achat en SCI (Société Civile Immobilière) peuvent être des solutions adaptées, selon votre situation et vos besoins.

L’investissement locatif

L’investissement locatif peut vous permettre de devenir propriétaire sans contracter un prêt immobilier important. Vous pouvez louer un bien et utiliser les revenus locatifs pour rembourser le crédit. Néanmoins, cette solution exige une gestion locative rigoureuse et une bonne connaissance du marché immobilier.

Le viager

Le viager consiste à acheter un bien en versant une rente viagère au vendeur jusqu’à son décès. Cette formule peut vous permettre d’acquérir un logement sans contracter un prêt immobilier, mais elle présente des spécificités qu’il faut bien appréhender. Elle peut s’avérer intéressante pour financer l’achat d’un logement adapté, si vous disposez d’un apport initial.

La colocation

La colocation peut vous donner la possibilité de partager les charges et de bénéficier d’une aide humaine. Cette solution est particulièrement pertinente si vous avez besoin d’une assistance régulière. Il est important de bien choisir vos colocataires et de définir clairement les règles de vie en commun.

L’achat en SCI

L’acquisition en SCI peut présenter des avantages pour les personnes handicapées, en particulier en matière de transmission du patrimoine et de protection du conjoint. La SCI permet de simplifier la gestion du bien et de protéger les associés en cas de difficultés financières. Néanmoins, cette solution requiert des démarches administratives complexes et un conseil juridique adapté.

Conseils pratiques et démarches à suivre

Pour maximiser vos chances d’obtenir un crédit immobilier et de profiter des garanties existantes, il est primordial de suivre quelques recommandations pratiques et de connaître les démarches à entreprendre. Une bonne préparation de votre dossier et un accompagnement professionnel peuvent faire la différence.

Bien préparer son dossier de demande de prêt

Constituez un dossier solide avec des justificatifs complets (revenus, patrimoine, état de santé). Mettez en avant vos atouts et votre capacité de remboursement. Anticipez les questions de la banque et de l’assureur. Un dossier bien préparé est un gage de sérieux et de crédibilité auprès des établissements financiers. Soyez transparent sur votre état de santé et fournissez tous les documents médicaux nécessaires.

Bien choisir sa banque

Privilégiez les banques qui affichent une politique d’inclusion et de non-discrimination. Informez-vous sur les services spécifiques proposés aux personnes handicapées. Certains établissements proposent des offres adaptées et un suivi personnalisé. N’hésitez pas à rencontrer plusieurs conseillers bancaires pour comparer les offres et les services.

Se faire accompagner par des experts

Faites appel à un courtier en crédit immobilier spécialisé, un conseiller financier ou un avocat spécialisé en droit du handicap. Ces professionnels peuvent vous apporter des conseils sur mesure et vous accompagner dans vos démarches. Ils connaissent les dispositifs existants et peuvent vous aider à optimiser votre dossier et à faire valoir vos droits. Le recours à un courtier est souvent sans frais, car il est rémunéré par la banque.

Faire valoir ses droits

Connaissez vos droits et faites-les respecter. Signalez les discriminations auprès des autorités compétentes (Défenseur des droits, associations de lutte contre les discriminations). La loi protège les personnes handicapées contre toute discrimination dans l’accès au logement et à l’assurance. N’hésitez pas à vous faire accompagner par une association pour défendre vos droits.

Un projet immobilier accessible à tous

L’accès au logement est un droit fondamental pour chacun, y compris pour les personnes handicapées. Malgré les difficultés rencontrées, il est réalisable de concrétiser son projet immobilier en s’informant, en se faisant aider et en faisant valoir ses droits. Les dispositifs de protection existants, comme l’assurance de prêt, les soutiens financiers et les dispositifs d’accompagnement, peuvent vous permettre de surmonter les obstacles et de devenir propriétaire.

L’exemple de Sophie, 38 ans, malvoyante, en est une belle illustration. Grâce à l’aide de la MDPH et d’un prêt à taux zéro, elle a pu acquérir un appartement adapté à ses besoins et vivre de manière indépendante. Son témoignage est une source d’inspiration et un encouragement à persévérer dans votre projet immobilier.

Sources :

  1. INSEE – Institut National de la Statistique et des Études Économiques
  2. APF France handicap – Association des Paralysés de France
  3. AERAS – S’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé
  4. Service-Public.fr – Site officiel de l’administration française
  5. ANIL – Agence Nationale pour l’Information sur le Logement